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La survie d'un enseignant est compliquée, surtout quand celui-ci est un petit renard contractuel perdu dans des poulaillers divers plein...

dimanche 16 juillet 2017

Histoire de contractuel : «tout est précarité»

Dans cette publication j'évoquerai la diversité de parcours d'entrée dans les métiers d'enseignement en France du point de vue d'un enseignant contractuel et quelques récits annexes à l'appui.

A. Elle vient du Guyana, la maîtresse d'école.
B. Et les professeurs des écoles ?
C. Souvent des problèmes avec des diplômes.
D. Pour conclure : je vous tire mon chapeau !


A. Elle vient du Guyana, la maîtresse d'école.

La toute première institutrice que j'ai connu en France était une guyanienne (ne pas confondre avec guyanaise). À ce moment-là, comme dans ma tête il n'était même pas question que je me projette dans ce métier, (je l'ai toujours convoité, mais pour moi c'était un métier beaucoup trop difficile pour un abruti comme moi), l'idée d'une professeur des écoles allophone me paraissait tout à fait banal.

Avec mon évolution dans le métier (j'étais alors contractuel dans le secondaire), j'ai pu constater que la plupart des collègues allophones (même ceux à vocation PE) se cantonnaient aux choix évidents : enseigner sa langue maternelle (si celle-ci était dans les langues enseignées par l'EN) ou bien choisir une matière chiante et pour laquelle personne n'est assez timbré pour passer le concours (les maths).

Des ingénieurs colombiens professeurs d'espagnol, des juristes jamaïcains professeurs d'anglais, le petit chinois professeur de mathématiques... voilà "eux"," les autres", les contractuels que j'ai rencontré à mes débuts.

B. Et les professeurs des écoles ?

Quand j'ai eu assez de courage et de recul pour passer professeur des écoles, les collègues contractuels changeaient de profil également... à part la collègue guyanienne, puis quelques maghrébins francophiles et une japonaise, la part d'allophones était bien réduite dans les rangs des professeurs des écoles que je rencontrais.

Une autre chose qui m'a interpellé aussi c'est la différence des parcours.

Je n'étais plus dans un milieu de grands diplômés étrangers, mais plutôt aux côtés de Madame et Monsieur Lambda.

L'intérêt particulier de toutes ces personnes que j'ai rencontrées n'était plus les histoires d'exil, les grandes études dans des universités et centres de formation aussi éloignés que variés, mais des histoires de vie. L'une plus impressionnante, émotionnelle et touchante que la dernière...

C. Souvent des problèmes avec des diplômes.

Parmi les collègues contractuels professeurs des écoles que j'ai connu, très peu avaient les diplômes requis pour le concours externe (un BAC+5). La plupart d'entre-eux a fait ce que la grosse majorité des personnes normales en France fait : une formation niveau BAC ou post-BAC professionnalisante, puis des débuts d'une carrière et la remise en question.

Ce moment de rupture semble venir, pour la plupart, en même temps que la maternité-paternité (la prise en conscience d'un besoin de fonder famille) ou d'un échec cuisant dans leurs vies professionnelles.

(Je pense au cas d'une cadre commercial devenue professeur des écoles en maternelle. Cette femme s'était rendue compte au bout de plusieurs années que vivre renfermée dans une voiture à arpenter les auto-routes de France métropolitaine était plus une histoire de simple survie et conscience professionnelle qu'un projet de vie. Elle en était malheureuse. Devenir professeur des écoles lui a carrément sauvé sa vie).

Voilà donc qui sont les professeurs des écoles contractuels : moins diplômés, moins susceptibles d'avoir un tapis rouge devant eux... mais ces personnes qui ont  souvent un certain âge, ont parfois beaucoup d'humilité et même une enviable capacité de prendre du recul et de la hauteur. Sans parler d'une polyvalence délicieusement imprévisible !

D. Pour conclure : je vous tire mon chapeau !

Lors de l'autre post (où je "démonte" sans aucune éthique quelques caricatures des PE, surtout de la cabale du privé), je n'ai même pas pensé à la grande masse de contractuels là-dedans car leurs profils sont aussi hétérogènes que leurs parcours. Je n'arrive pas à trouver des cases pour les mettre dedans.

Oui, vous remarquerez que j'ai tendance à respecter beaucoup plus la Parole derrière une histoire de vie qu'un tampon sur un papier ou la validation d'un concours public face à un jury de trois personnes qui ne sera jamais capable de faire le tour de quelqu'un...

Ces contractuels se sont aperçus que de s'occuper d'autres êtres humains est tout aussi difficile face à un qu'à trente.

Ces contractuels, dans sa grande majorité, sont prêts et ont envie de se former et donner le meilleur qu'ils ont pour ne pas décevoir ou donner un enseignement lacunaire aux enfants...

J'écris ce post en tant que contractuel moi-même, parce qu'en ayant vu et entendu les différences de discours et d'attitude de quelqu'un qui "sort d'école et devient statutaire" et ceux de quelqu'un qui a fait le tour de la question avant d'oser être professeur remplaçant... il n'y a pas à chercher : ce n'est vraiment pas une réussite au concours qui vous rend plus digne ou préparée que la "suppléante mère de trois enfants niveau BAC pro".

Le professeur non-titulaire sait d'emblée que le travail est un privilège qu'il fait en sorte de mériter. 

Le professeur titulaire "concours externe", parfois a du mal à concevoir ce privilège. Pour lui, suite à la réussite au concours, les choses lui sont dues : le poste où et comme il le veut, alors que l'institution placera ses personnels (ou pas) selon les besoins... des élèves.

Pour les élèves, c'est un droit d'avoir un enseignant.

Pour les adultes, c'est un privilège d'avoir un travail.

Voilà ma vision des choses.

(Je compte sur votre intelligence pour vous apercevoir que je ne dénigre pas le collègue titulaire par concours externe, toutefois j'appelle à son bon sens et à la mesure lorsqu'il échange avec ses collègues non-titulaires. Il aura souvent plus à apprendre avec eux que l'envers...)

Je vous aime les contractuels... battez-vous, passez le concours pour vous protéger et protéger vos familles.

Je pensé à vous pendant ces vacances sans affectation...


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