avant toute chose...

CHARTE DU BLOG

La survie d'un enseignant est compliquée, surtout quand celui-ci est un petit renard contractuel perdu dans des poulaillers divers plein...

vendredi 14 juillet 2017

Histoire de contractuel : «Entre le mauvais management et la faute professionnelle»

Ce post traitera du management des directeurs d'écoles, recruteurs du 1er degré, face à la situation professionnelle d'un enseignant suppléant (contractuel) qui devrait être affecté sur l'année à un poste vacant.

1. Entretien d'embauche dans l'établissement.
2. La réunion de concertation avec l'équipe.
3. Il ne faut pas rêver : le management du potin.
4. Le deuxième et ultime entretien : ce n'est pas une enseignante mais une business woman.
5. La pire des nouvelles.
6. Et voilà encore du potin pour conclure.


Suite à la fin de mon premier contrat (qui, malgré tout le manque d'objectivité dans les rapports avec CDE et l'équipe enseignante, très renfermée sur elle même et ses méthodes) j'ai été contacté par ma DDEC locale pour assurer un poste à temps complet sur l'année dans une nouvelle école.

Le niveau m'intéressait, je pourrais aller à cette école en transport personnel (scooter 50 cc), le projet éducatif de l'établissement paraissait bien foutu et, s'agissant d'un groupe scolaire avec collège, j'ai été enchanté par les possibilités d'échanges avec mes confrères certifiés et agrégés du collège.

Une fois le feu vert de la DDEC, je me rends à ce nouvel établissement pour, d'abord, être accepté par ma recruteuse : la directrice de cet établissement.

1. Entretien d'embauche dans l'établissement.

Une fois sur place, je suis reçu par quelqu'un de réservé, méthodique, qui me vouvoie et qui me teste énormément... le moindre écart au niveau de la précision des termes techniques et remarqué : je dis "guide" alors que c'est "manuel", je dis "CRPE" alors qu'il s'agit de "CRPE externe privé", j'ai dit "CAPA-SH" alors que maintenant c'est CAPPEI.

Je me suis vite rendu compte que je faisais peur à cette personne. Elle essayait déjà d'imposer un cadre autour de moi, comme quoi je n'ai pas d'expérience, mais elle oui. Je ne sais pas ce que je fais, mais elle oui.

Malgré mon agacement par rapport à ses sottises, j'ai pris sur moi et j'ai fait en sorte de la rassurer et d'essayer de rentrer dans le moule qu'elle cherchait à m'imposer.

"Bon, rentrez bien... je ne vous cache pas, nous sommes contentes d'avoir finalement un garçon parmi nous !" Ah, l'égalité filles-garçons, où es-tu ?...

2. La réunion de concertation avec l'équipe.

Le moment tant attendu de la rencontre avec l'équipe est enfin arrivé : j'avais préparé une prise de notes sur informatique pour poser toutes mes questions. J'ai aussi pris l'initiative d'écrire mes coordonnées sur un tableau de la salle où nous étions pour que, d'emblée, tout le monde puisse me joindre.

J'ai pris connaissance de tous leurs projets ainsi que du fonctionnement de cet établissement : énormément de niveaux ont deux classes. Les enseignant.e.s sont appelé.e.s à travailler en "binôme de niveau".

Suite à la première réunion d'information, je m'entretiens avec ma collègue de niveau. Mon approche est celle du "nouvel outil". Je déballe un discours de "donner ce qu'elle veut que je donne pour me rendre utile" et "qu'elle est la référente de niveau, toute décision dans ce sens lui revient et je la suivrai".

Cette collègue me fait part de ses difficultés avec des activités en autonomie, l'utilisation des TICE et l'informatique en général.

Le bon petit soldat que je suis, je lui ai préparé séquences et séances "ready to use" dans tous ces domaines. Les activités en autonomie, auto-évaluation et guidage pédagogique - pareil. Elle n'aurait rien à faire... tout était prêt, mâché, expliqué et cerné dans les programmes officiels.

Nous nous quittons, elle disait être contente de nos échanges et prête à passer une bonne année avec moi. Je sors rassuré. Finalement je suis tombé sur des collègues avenant.e.s et professionnel.le.s !

Hic de la journée : en allant à l'école j'ai fait une chute très moche en scooter. Depuis trois semaines j'ai la jambe gauche qui me lance... un mauvais présage ?

3. Il ne faut pas rêver : le management du potin.

Etre-temps, la nouvelle chef d'établissement a joint l'ancienne pour lui demander des informations sur moi. Vu que mon ancienne CDE n'est pas quequ'un de particulièrement objectif, j'ai été "fiché" comme quelqu'un "d'enthousiaste, qui aime les projets mais qui part dans tous les sens". Il n'y a pas eu que cela comme échange entre ces deux CDE, j'en reviendrai.

Cette information (qui m'a été rapportée par quelques quatre personnes différentes) servira à expliquer le mél incompréhensible et étrange que j'ai reçu de la nouvelle directrice le lendemain de la réunion de concertation. Il y avait urgence pour que l'on se revoie. L'équipe n'avait pas "compris mes projets". Il y avait une odeur sulfureuse dans cette histoire...

J'étais arrivé à un summum de stress (3 heures de sommeil par nuit depuis la prise de poste dans la première école. Je passais des heures à préparer des progressions, activités, fiches et autres et à réviser les programmes et les inspections-conseil que mes potes m'ont envoyé). En lisant cet e-mail j'ai craqué. On se fout de ma gueule.

J'avais pris ma calculette, je suis allé à pôle emploi et j'ai cherché à savoir si je pouvais être indemnisé AREF pendant l'année de la préparation du concours et du Master MEEF et combien j'allais être payé.

Sans surprises je serai mieux payé en gardant mes allocations qui deviendraient des AREF (l'allocation des stagiaires de la formation... on est payés cela si on fait une reprise d'études, par exemple). N'oublions pas que l'enseignant contractuel dans le privé sous contrat est un cadre payé au SMIC. (Payé au SMIC et traité comme SMICard par la hiérarchie, on le constate...)

Malgré ma décision de laisser tomber le poste et mon problème de jambe (allié à ma toux et mon sommeil), j'accepte d'aller revoir la directrice pour entendre ce qu'elle a à dire.

4. Le deuxième et ultime entretien : on n'aurait pas dit une enseignante mais une business woman.

Le matin de ma venue, j'avais préparé un sac à dos avec tous les livres (manuels et fiches) que j'avais pris pour étudier pendant les vacances, histoire de bien préparer la prise de poste.

J'arrive dans l'heure convenue mais cela n'a pas plu à notre CDE.

"Vous êtes en retard.", elle lance. "Ah bon ? Comment ça ?", j'ai répondu. "Nous nous sommes donnés rendez-vous à 9 heures du matin". Agacé par son besoin perpétuel de s'imposer, je réponds sèchement, "Madame, vous m'avez dit à partir de 9 heures du matin. Étant donné que vous êtes en période administrative, je me suis permis d'imaginer que vous alliez me recevoir entre deux rendez-vous, donc de me faire beaucoup attendre. Je n'estime pas être en retard.". "Mais pourtant c'est ce que je vous ai dit...", elle insiste. "Relisez votre mél, vous seriez étonnée." Elle me regarde avec des gros yeux, elle serre ma main et me dit de m'asseoir. Je le fais.

Je m'amuse à lui laisser la parole pour dire comment l'équipe n'avait pas compris mes projets, comment l'organisation des échanges de service, je n'avais pas compris ça, non plus et qu'au niveau des échanges avec ma collègue de même niveau, tout était resté assez flou.

Sûr de mon coup (je n'avais fait que lire ce que j'avais préparé par écrit pour cette réunion) je lui ai répondu point par point. "Mais ce n'est pas ce qu'on a compris le vendredi". "Bon, si vous n'avez pas compris, ça en est une autre histoire... je ne fais que lire ce que je vous ai dit ce jour-là". Visiblement agacée par mon acharnement, elle ralentit un peu et me laisse la parole.

5. La pire des nouvelles.

Je profite du moment pour lui dire que finalement je ne prendrais plus le poste. Je lui ai tenu le discours financier et de reprise d'études pour appuyer mes propos. "Je suis mieux payé à toucher mes AREF et aller à l'université que de venir ici. J'ai dû être pragmatique. De plus, étant donné que je suis un jeune professeur, je ne suis peut-être pas le meilleur choix pour votre équipe".

Elle réagit outrée : "Je trouve ça scandaleux ! Je ne vous juge pas, mais vous voyez - le gouvernement fait en sorte que les gens n'aient pas envie de travailler, quand j'étais chef d'entreprise, une personne est partie en retraite et j'ai voulu distribuer les heures entre les autres salariés à mi-temps qui ne voulaient pas parce qu'ils étaient mieux payés à mi-temps et p---".

Is this fucking real life? Cette pétasse chère dame vient de me passer un savon et d'insinuer que je suis un "assisté du système" ?

"MADAME, pardon, je suis obligé de vous couper la parole. Pardonnez-moi, mais vous parlez d'une chose qui n'a strictement rien à voir avec moi. Je suis contractuel (je ne dis jamais "suppléant", je ne supporte pas ce terme) depuis 2011 pour l'Éducation nationale en France. Depuis 2005, je travaille. Depuis 2008 j'étudie et je travaille. Ce qui veut dire que depuis 2008 j'ai deux temps complets. Si je décide, une année de ma vie, avec beaucoup de peine et à contrecœur, de ne plus être salarié parce que c'est un DROIT pour lequel j'ai cotisé et qui me permettra de mieux préparer mon concours pour devenir enfin titulaire... je le ferai. Vous avez compris ?"

"...Ah...", visiblement déstabilisée, "...vous avez cotisé, du coup c'est une reprise de formation... c'est bien. Mais il n'empêche, ça ne sert à rien de tergiverser pendant trois heures, il faut appeler la DDEC et le leur dire".

Sa nouvelle stratégie d'attaque pour passer ses nerfs était alors d'appeler la DDEC en haut-parleur pour voir comment j'allais redire tout cela à notre patron. Pas de bol pour cette dame, j'avais déjà préparé un e-mail que je comptais envoyer à la DDEC immédiatement après avoir averti la CDE.

Les explications se font en toute naturalité. Je m'engage à contacter d'autres suppléant.e.s (je l'ai dit au féminin) pour essayer d'aider la DDEC et j'ai hâte de revenir à l'établissement en PES. La DDEC est contente. Tout le monde est content. Je pars !

6. Et voilà encore du potin pour conclure.

Le lendemain j'apprends la vérité des coulisses :

a. Suite à la réunion de concertation, ma collègue de même niveau à la nouvelle école a sauté sur la directrice pour lui demande entretien à huis clos. Lors de cet entretien, la collègue aurait pleuré en disant à la directrice ne pas savoir comment gérer autant de choses avec le nouveau collègue.

b. La nouvelle directrice a appelé l'ancienne pour rapporter cet épisode.

c. L'ancienne directrice a raconté cette histoire à l'ensemble d'équipe de l'ancien établissement.

Nous avons alors : Une collègue qui semblerait avoir peur du gros méchant et qui pleurerait (probablement ça en est une qui n'en branle pas une et qui a eu peur que je la mette en défaut), une ancienne directrice sans aucune notion de respect de la vie privée et du secret professionnel et une nouvelle directrice qui doit revoir sa copie en management et gestion de personnel.

Le garçon ? Eh ben, il est parti. Bonne continuation !

...et bonnes vacances ! Je passe à autre chose ♥

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire